Charles de Foucauld, l'ami universel
Une pièce de théâtre jouée par les plus fragiles d'entre nous
Charles de Foucauld est un saint aimé de L’Onction en ce qu’il est un artisan de paix et d’amitié avec nos frères musulmans.
Quelques membres de L’Onction, chrétiens et musulmans, ont eu la joie de pouvoir se rendre à sa canonisation à Rome en mai 2022.
La lecture de ses lettres, extrêmement nombreuses, nous a aussi fait découvrir son incroyable fidélité en amitié.
Il n’en fallait pas plus pour que nous comprenions qu’il nous incombait de raconter sa vie par une petite pièce de théâtre.
Notre histoire
La fragilité de nos acteurs trouve à s’épanouir dans une pièce qui ne nécessite pas d’apprendre par cœur mais suppose de lire et jouer.
La vie de Charles de Foucauld est ici racontée à travers des lettres écrites entre 1874, alors que Charles a 16 ans et 1916, date de sa mort, à 58 ans.
Les mots dits sont ceux de Charles de Foucauld. Nous l’écoutons se raconter lui-même à ses amis.
Une petite quarantaine de lettres ont été sélectionnées parmi des centaines, sans doute des milliers, écrites.
Sont ici retenues les lettres écrites à quatre interlocuteurs principaux :
-
Gabriel Tourdes, son ami d’enfance
-
Madame de Bondy, sa cousine chérie
-
L’abbé Huvelin, son accompagnateur spirituel
-
Louis Massignon, son jeune ami mystique, catholique mais particulièrement sensible à la beauté de la foi de l’Islam.
La pièce est découpée en 4 actes.
4 actes
Nos acteurs
Le casting de cette pièce est entièrement confié à La Providence. Les acteurs ont été recrutés au gré de leur arrivée dans l’association et de leur désir de jouer. Les membres de L’Onction sont fragiles. Ceux qui sont présentés ici ne sont pas forcément ceux qui seront en mesure de jouer le jour venu. Il est possible aussi que les rôles endossés par les uns ou les autres varient.
Mathieu
Matthieu a 36 ans. Il est né à Miramas et a vécu tout bébé un accident qui lui fait appréhender la vie autrement.
Il a écrit un petit livre sur son histoire : "En quete de liberte" disponible sur internet.
Il est venu un jour à L’Onction en disant qu’il voulait faire du théâtre. Il joue Charles de Foucauld qu’il citait déjà dans son livre. Rôle beau et fatigant, parce qu’il ne quitte jamais la scène !
Sylvie
Elle fait du théâtre depuis 35 ans, autant dire, au berceau.
Dans la vie, elle est accompagnatrice d’enfants en situation de handicap.
Elle peut tout jouer, alors on en a profité. Si vous regardez bien vous verrez qu’elle joue bien sûr essentiellement l’ami d’enfance et de toute la vie de Charles, Gabriel Tourdes, mais qu’elle se cache aussi sous d’autres costumes parfois. Elle résume en disant « je n’ai jamais rien joué d’aussi fou : « être à la fois l’Ami de Charles et celui qui met fin à ses jours ».
Léontine
Elle a 15 ans et c’est la marathonienne de la pièce, tour à tour costumière, décoratrice, soldat, tentatrice, religieuse, enfant, chameau, touareg, fiancée et mère de famille. Si elle se met en grève, on est fichus !
Joseph
Il a 10 ans et il a enduré toutes les répétitions de la pièce sous l’œil amusé de sa maman Blandine qui joue Madame de Bondy. Il dort parfois sur les fauteuils à la place des acteurs, se roule par terre, disparaît mais quand l’heure du spectacle vient il est un facteur absolument épatant, infatigable globe -trotter !
Abdoulaye
Une vingtaine d’années, originaire de Guinée, venu se réfugier en France, musulman. Il n’avait jamais fait de théâtre. Au départ, il nous a regardés à l’occasion de ses passages à L’Onction puis il a osé sauter le pas pour incarner les amis autochtones de Charles. Tour à tour berbère ou touareg, il nous transporte dans le désert, avec Charles.
Blandine
Elle est née en 1975. Elle manque de confiance en elle, sans doute comme la cousine de Charles, Madame de Bondy, qu’elle incarne mais ,comme son double de théâtre, elle a confiance en Celui qui peut tout, alors elle s’est lancée. On lui envie tous sa magnifique ombrelle d’époque !
Laetitia
53 ans, a les poumons qui flanchent et les jambes fatiguées mais elle a retrouvé de la vigueur en fréquantant l’Onction qui, dit-elle, lui rappelle ses années d’enfance avec la JOC. Elle a poussé la porte, pour voir, et comme on cherchait l’abbé Huvelin, il nous a semblé le reconnaître caché derrière cette femme. Les mois passant, sa santé s’est fragilisée et elle est devenue l’évêque de la pièce, continuant de nous accompagner mais cédant sa place à Xavier
Florence
la quarantaine, avait vu sa confiance disparaître avec un accident de la vie. Amie d’une amie de L’Onction, elle nous a rejoints quand un autre Louis Massignon s’était éclipsé et a proposé d’apprendre par cœur ses tirades ce qui a donné un vrai relief au rôle de ce grand mystique renversé par le Dieu unique. Santé fragile mais volonté de fer, creuset idéal de la grâce.
Xavier
Artiste plein d’humour, touché par la maladie. Sollicité par l’amie Emeline, il nous offre d’abord une jolie tête de chameau puis nous rejoint avec émotion pour jouer tantôt Gabriel TOURDES, tantôt l’abbé HUVELIN .
Il écrit : « Je ne suis pas grand chose. Juste une tumeur cérébrale qui a fait sauter la honte... Donc je peux balader mes chapeaux. Des chauffeurs de bus m’ont demandé de continuer à faire sourire les gens avec.
J apprends à vivre dans la confiance de ce Dieu qui lui nous aime tant. Notre monde paraît foireux et triste. Et pourtant j’ai eu la chance de naître. Bref le Bon Dieu gère. Avec cet amour infini si incompréhensible. Si les chapeaux montrent un bout de son amour c’ est cool ».
Léa
LÉA 20 ans est étudiante en sciences de l’éducation et c’est aussi la community manager de L’Onction. Dès qu’elle peut, elle rejoint la troupe pour donner un coup de main en coulisses. Elle y répand son calme et sa douceur. Il arrive aussi qu’elle fasse des passages sur scène, incarnant un soldat ou un moine… Regardez bien.
Ils ont vu, ils en parlent
« J’ai été personnellement très touché par la beauté et la simplicité très évocatrice de la mise en scène qui a été faite non pas en fonction de rôles qu'il fallait tenir... mais en fonction des personnes qui allaient les tenir. C'était très beau. Chacun était mis en valeur et disait, par sa présence et son talent, que nous avons tous une dignité incomparable. » Père Bastien Romera, curé de Siminane
Laetitia
Lourdes
La représentation jouée par nos amis de L'onction lors de mon pèlerinage à Lourdes fût pour moi un merveilleux moment. Elle m'a permis de découvrir Charles de Foucauld, de voyager avec ses aventures et l'ai pu ressentir sa liberté et sa paix en harmonie avec notre Seigneur. Il n'y a rien de plus grand que le don de soi.
J'ai été très émue de découvrir toute l'équipe unie comme une famille, bienveillante en toute circonstance les uns des autres.
Encore merci pour ce cadeau !! Et bravo à tous !
A découvrir absolument !
Bernard
Perpignan
Je n’oublierai pas la fougue convaincante des acteurs de la vie de Charles...Encore merci à tous..”
Hélène Lassalle
Paris
Charles de Foucauld est une figure bien connue, sa correspondance beaucoup moins.
Pour moi ce fut une découverte. Juliette Gaté a fait un travail énorme et remarquable.
Parmi les innombrables lettres de 1874 (à 16 ans) à 1916 (à sa mort), elle a sélectionné
celles qui permettent de suivre par un récit le parcours du personnage central conté à ses fidèles correspondants d’une vie entière : du jeune homme mondain et égotiste au brillant officier qui découvre l’Algérie et ses peuples musulmans. Leur observation réveille sa réflexion sur son éducation catholique d’autrefois. Avec la radicalité qui le caractérise, Charles se voue à la foi chrétienne, à la Trappe d’abord, puis comme ermite au désert. Il croit sincèrement à la légitimité de la conquête de l’Algérie, brutale, alors en cours, et à la conversion de tous les peuples, en particulier des musulmans. Peu à peu son regard évolue. Et c’est ce qui m’a bouleversée.
A sa cousine et amie de toujours, Madame de Bondy, à son ami d’enfance, Gabriel Tourdes, à l’abbé Huvelin, le prêtre qui l’a accompagné jusqu’à ce que la mort les sépare s’ajoute un personnage hors du commun, Louis Massignon. Savant arrogant spécialiste du Maghreb, il engage avec Charles de Foucauld un dialogue qui transforme les deux hommes. Qui a influencé l’autre ? Ni l’un ni l’autre. Le partage d’une réflexion parallèle les conduit vers une conclusion voisine. Massignon le philosophe décrypte la pensée au plus profond de l’islam et se rapproche lui-même du mysticisme.
Au cœur de l’islam, il découvre la notion d’hospitalité. Non seulement matérielle, accueillir l’étranger sous sa tente et l’inviter à partager son repas, mais l’accueillir intellectuellement et spirituellement dans sa différence, acceptée et respectée, sans jugement ni restriction.
De son côté, au fil de leurs échanges, Charles de Foucauld renonce à l’action missionnaire dans une volonté de conversion. A l’opposé du projet de changer l’autre, il développe la notion d’amitié, pas si éloignée de l’hospitalité de Massignon. Aimer tous ceux qui l’entourent, arabes, berbères, touaregs, sans discrimination, avec respect de leurs coutumes comme de leurs valeurs et de leur foi, et se faire aimer d’eux, alors que la guerre autour de lui gronde. Charles de Foucauld en paiera le prix de sa vie.
Ce message va droit au cœur aujourd’hui où les haines et les exclusions s’exacerbent jusqu’à la guerre.
J’ai admiré la mise en scène. Une belle recherche iconographique, également énorme travail de Juliette, est projetée sur un écran, accompagnée de quelques morceaux de musique. Il s’agit du contexte, familial, historique, géographique. Photos de famille, archives, magnifiques vues des montagnes et du désert, tableaux orientalistes.
Une habile trouvaille scénographique fait porter par un facteur tous les courriers entre les protagonistes. Elle rend compte des distances. Et chaque correspondant lit avec sa voix et sa propre émotion la missive qu’il ou elle vient de recevoir. A l’oreille ,le public suit un concert de voix et mesure les interprétations de chacun des acteurs. Des femmes jouent des hommes avec une grande crédibilité.
Laetitia campe un abbé Huvelin en soutane ,empathique et convaincant.
Laurietta est un parfait ami Gabriel.
Une femme encore, Florence, pour un Louis Massignon de belle prestance.
Blandine est une émouvante Madame de Bondy, très élégante avec son ombrelle d’époque.
Les jeunes de la troupe sont magnifiques de grâce et de justesse, avec des gestes de danse parfois, sous leurs costumes divers et leur rôles variés : Léontine, Léa, toutes merveilleusement belles.
Les tenues sont simples : écharpes nouées en turbans, djellabas rayées, caftans, tuniques légères et voiles. De scène en scène, les variations de couleurs, sur un petit espace et avec un minimum d’accessoires, créent de véritables tableaux.
Mention spéciale à Abdoulaye, habitant du désert accompagnant Charles de Foucauld. Quelle que soit sa tenue, en serviteur paisible et immobile ou en soldat cruel, il a une extraordinaire présence en scène. Avec ses turbans colorés, son caftan soyeux bleu de nuit, il pourrait être un modèle pour Géricault et Delacroix.
Un mot pour le rôle principal qui donne son titre au spectacle, Charles de Foucauld, placé au centre de l’espace sans jamais quitter la scène. L’acteur habituel le soir où j’ai vu la pièce a fait défaut au dernier moment. Au pied levé Marc* l’a remplacé. Il s’est fort bien débrouillé. Dans les mutations successives de son personnage, il a été parfaitement crédible, en harmonie avec la gestuelle des autres avec lesquels il est en constante relation et qu’il semble coordonner comme un chef d’orchestre. Il a fait un très beau martyr, assassiné sous les lamentations des pleureuses aux voiles défaits.
Sur l’écran de projection on voyait des tableaux de musées. Les groupements des acteurs évoquaient aussi des détails de tableaux : équilibre des couleurs des turbans et des voiles ; la très jolie nature morte au fond de la scène donne le ton, posée sur une tablette recouverte d’un tapis, prétexte à une chorégraphie discrète de mouvements domestiques, faite de beaux objets quotidiens typiques en terre cuite et en métal. Elle se rapproche du premier plan des Femmes d’Alger de Delacroix ,au Louvre. Merci Abdoulaye pour le choix et la disposition.
Intense émotion : Charles, très malade, vêtu de sa tunique blanche au cœur brodé rouge, est porté au premier plan de la scène, de face et renversé, pour être soigné par sa
communauté et des voisins, jeunes filles et garçons agenouillés de part et d’autre de son fauteuil. Coïncidence, cette disposition spatiale m’a rappelé Le Christ pleuré par les anges d’Edouard Manet.
Sans étouffer ni parasiter la force de ce texte superbe, extraordinaire dans son actualité, la mise en scène et le jeu des acteurs lui donnent au contraire chair et vie.
C’est le hasard qui m’a conduite à ce spectacle pour un soir. L’association L’Onction l’inscrit dans une série de propositions et d’activités qui touchent et intègrent les plus fragiles comme les plus valides. Elles s’adressent également à des publics qui peuvent difficilement sortir ou ont rarement la chance de voir du théâtre. Magnifique programme.
Hélène Lassalle était conservateur de musée, en France et aux Etats-Unis et a enseigné à l’école du Louvre.